Philipp Melanchthon et la France – Melanchthon, le « praeceptor Europae » (professeur de l’Europe)

La gloire et la notoriété de Philipp Melanchthon s’étendaient aussi jusqu’en France : il avait établi une correspondance régulière avec Guillaume Du Bellay ainsi qu’avec Jean du Bellay, évêque de Paris et frère aîné du célèbre humaniste. Il échangeait même des lettres avec Marguerite, sœur de François Ier et reine de Navarre. Certaines de ses œuvres furent éditées à Paris et à Lyon. De son vivant, un bon nombre de ses textes furent traduits en français et publiés en France. Selon Etienne Dolet, le célèbre imprimeur d’Orléans, Melanchthon était l’un des grands de la science et des lettres.

Quelles étaient donc les raisons pour la grande estime dont jouissait Melanchthon en France ? La recherche sur la Réforme a révélé que, en France, le nom de Melanchthon était plus connu que celui de Martin Luther: «Ce fut le plus grand des Allemands connus dans la France d'alors». On l’appréciait en tant qu’humaniste, expert en langues anciennes, commentateur des grands textes latins et grecs, et aussi en tant qu’auteur de bon nombre de manuels de rhétorique, de dialectique, de philosophie ainsi que de grammaires des langues classiques. Ses grammaires du latin et du grec furent rééditées en France à plusieurs reprises. Entre 1526 et 1532, la grammaire latine de Melanchthon fut rééditée quatre fois par l’imprimerie de Robert Estienne à Paris. Une deuxième raison pour la grande notoriété de Melanchthon en France se trouve dans un jugement émis par Marguerite de Navarre à son compte: « Cet homme bon et saint, entièrement dévoué à Dieu et grand amateur de paix, réticent à l’égard des passions violentes de Luther et de Zwingli et qui ne désire rien d’autre que de mettre un terme aux divergences des confessions… »

Ce jugement démontre clairement quelles étaient les attentes envers Melanchthon : il était censé être le médiateur entre les parties ennemies, il devait relancer le dialogue entre catholiques et protestants et éviter la scission imminente de l’Église. Bref, Melanchthon représentait l’espoir œcuménique de ses contemporains dans toute l’Europe.

Là où religion et politique sont étroitement liées, chaque querelle de religion peut mener à une guerre et donc au déclin de l’État et de l’Église. Les guerres de religion du 16e siècle jusqu’à nos jours ont confirmé les inquiétudes évoquées par Melanchthon. En ce qui concerne la France, la position éminente de Melanchthon se révéla pour la première fois en 1534 lors du dialogue entre les deux confessions. François Ier mit tout en œuvre pour jeter les bases d’une alliance avec les princes protestants allemands, et c’est la raison pour laquelle il essaya de surmonter, par le biais de négociations, les obstacles dressés par les points de vue divergents concernant la religion.

Ce fut le rôle de Melanchthon d’établir une liste des points communs entre catholiques et protestants de confession luthérienne et de la commenter, tâche qu’il accomplit en rédigeant un rapport. Aux yeux de Melanchthon, il fallait se baser sur l’Église primitive, c’est à dire l’Église des Apôtres et des Pères de l’Église qui, après la mort du Christ, vivaient et œuvraient selon le véritable esprit catholique.

Ce qui comptait avant tout pour Melanchthon c’était que l’on s’explique sur les points de discorde pour, ensuite, discuter des différences de fond dans une atmosphère calme et sereine. Melanchthon avait exposé dans son rapport qu’il fallait avoir recours aux hommes érudits et engagés pour la paix pour aborder des points controversés et résoudre les différends. Un an plus tard, Melanchthon reçut une lettre l’invitant à la cour de François Ier. La missive du 28 juin 1535 contient un éloge du zèle de Melanchthon dans la lutte pour l’unité de l’Église et la proposition d’une dispute avec les meilleurs professeurs de la Sorbonne.

Le projet de discussions sur l’accord concernant les questions religieuses échoua à cause de réflexions politiques et de calculs stratégiques qui ne visaient que le court terme. Une fois de plus, une chance de rétablir l’unité de l’Église fut perdue.

Il ne faut pas sous-estimer l’influence de Melanchthon en tant qu’humaniste et théologien de médiation en France et en Angleterre. Dans les deux pays, son nom était plus connu que celui de Martin Luther. Il est également célèbre à cause de son engagement personnel en 1541 auprès de François Ier en faveur des hérétiques vaudois emprisonnés dans la région de Grenoble. L’humaniste français Joachim du Bellay appela Melanchthon un « vir sapiens patriae » (sage de la patrie). Comme Melanchthon avait rédigé des commentaires pour presque toutes les disciplines de l’époque, le rayonnement de son œuvre s’étendit, par le biais des pays calvinistes, jusqu’en Amérique du Nord.



Jean Calvin (né le 10 juillet 1509, mort le 27 mai 1564 à Genève) ; réformateur suisse ; de 1523 à 1533, il fait des études de droit et de lettres classiques à Paris, Orléans et Bourges. En 1533 il se joint à la Réforme. En 1536, il écrit « Institutio religionis christianae », un livre de catéchisme sur la vérité évangélique. De 1541 à 1564, il établit l’église protestante à Genève. Melanchthon et Calvin étaient amis depuis leur première rencontre en 1539 ; mais l’entente entre les théologiens de Wittenberg et de la Suisse n’est pas viable à long terme en raison de différends sur les questions de l’eucharistie et de la prédestination.






powered by webEdition CMS